Le fantasme de l’écrivain

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Les carnets de Sarah – #01 – Le fantasme de l’écrivain 

 

Je vais te présenter la petite fille et la femme que j’étais avant. 

Avant d’écrire, avant de faire de l’écriture ma passion et surtout, mon métier. 

Je me suis mise à écrire mes premières histoires quand j’étais au collège. 

Parce que j’avais une imagination débordante : je me couchais chaque soir et retrouvais mon monde imaginaire. Je rêvais de choses futiles. Pourquoi ? Parce qu’à l’école, j’étais transparente, voire je faisais même partie des souffre-douleurs, quand on me voyait. Je détestais ce rôle qu’on m’imposait, celui que je n’avais pas choisi. Alors, je m’évadais pendant mes nuits, et me créais une vie palpitante, où je devenais l’héroïne de ma propre histoire.  

Autant te dire que ma vie au collège ne fait pas partie de mes plus belles années. J’ai repris pied peu à peu (car je m’évadais même en journée), grâce aux personnes autour de moi, ma mère, ma famille, mes amies. J’ai diabolisé cette vie misérable que j’avais l’impression de vivre en écrivant. Des nouvelles, des histoires courtes, des bouts de vie. 

A l’époque, mes écrits étaient négatifs, très négatifs, voire morbides. Mais j’avais trouvé dans cette activité un moyen de me soulager. Je n’écrivais pas seulement des histoires : j’ai maintenu des écrits épistolaires avec quelques-unes de mes amies. Pendant mon adolescence, les nouvelles technologies et surtout les portables n’existaient pas. On ne savait même pas ce qu’était l’internet. Donc, avec mes meilleures amies, j’échangeais des lettres manuscrites : on se racontait nos vies, on se révélait des choses qu’on ne voulait pas dire à l’oral. On tenait même des carnets qu’on s’échangeait à chaque fois qu’on avait terminé de notre côté au bout de quelques jours, voire quelques semaines. Un peu comme un journal intime, mais qui me répondait. C’est encore mieux, n’est-ce pas ? 

Voici ce qu’était mon rapport à l’écriture jusqu’à devenir adulte – enfin, je veux dire, entrer à la fac. Après ça, prise par mon quotidien et les études, j’ai beaucoup moins écrit. Car je profitais de la vie, comme toute jeune femme à cet âge. 

Pourtant, j’avais toujours ce regret au fond de moi de ne pas pouvoir écrire : j’avais abandonné les lettres, ainsi que mes courtes histoires. Je désirais me lancer dans un roman, mais il m’était impossible de le faire, je n’avais pas la force, les armes, ni la volonté réelle de le faire. En fait, je rêvais ma vie d’écrivaine : je me disais “Je gagnerai des millions un jour, je vendrai des centaines de milliers de livres, je ferai de ma vie un paradis.” Je rêvais, mais je ne faisais rien pour aller dans le sens de ce rêve. 

J.K. Rowling et le succès de Harry Potter sont apparus à ce moment-là. J’ai été happée par ce monde de sorciers et je n’ai plus voulu en ressortir pendant des années. Une autre forme d’écriture que je ne connaissais pas avant m’est apparue : les fanfictions. Et oui, j’ai connu les Harry Potter au temps où les derniers romans n’étaient pas encore sortis. Et comme tous fans de l’époque, on se languissait de la suite. On s’en languissait tellement qu’on allait sur les sites spécialisés, et qu’on lisait tout ce qu’on pouvait sur cet univers. Ça allait même jusqu’aux fanfictions où les écrivains en herbe proposaient des fins alternatives. J’ai fait de même, car j’avais ma propre théorie et je voulais la proposer au reste du monde. Alors, j’écrivais, j’inventais, j’interprétais. Bref, je faisais tout pour rester dans ce monde de rêve. 

Seulement, la réalité de la vie m’a rattrapée : j’ai été embauchée pour mon premier job, en tant qu’assistante marketing. J’habitais avec mon petit ami de l’époque, on se construisait notre petit nid. A cet instant, je me suis dit : “A quoi bon continuer à écrire ces fanfictions ? Je ne pourrai jamais en vivre, c’est juste de la fanfiction, ça ne sert à rien…” 

J’ai préféré m’investir dans ma carrière professionnelle. Et ce n’est pas dommage, ni grave. C’est juste que c’était un moment de ma vie où l’écriture n’avait plus de sens pour moi. 

Alors, oui, pendant ces presque 15 ans – de l’arrêt des fanfictions, jusqu’à 2019 –, je n’ai pas oublié ce rêve d’enfant que je gardais tout au fond de moi, celui de devenir une romancière best-seller. Mais je l’ai enfoui, bien profondément, je l’ai même caché. Parfois, je reprenais la plume en secret, parce que j’avais une idée d’histoire, j’écrivais trois pages, puis j’arrêtais. Car c’était trop fastidieux, trop dur. Je n’avais pas de plan, je ne savais même pas où j’allais, j’étais perdue. Je baissais les bras et passais à autre chose. Plus tard, je retentais pour en revenir au point de départ. Je n’arrivais pas à écrire. 

Qu’est-ce qui m’est passé par la tête, en cet été 2019 ? 

Oui, je suis allée à Londres pour visiter les studios Harry Potter. 

Oui, ça m’a redonné envie d’écrire et surtout, de reprendre les fanfictions que j’avais délaissées pendant des années. 

Oui, je voulais aller jusqu’au bout d’un projet d’écriture. 

En réalité, j’avais le besoin de retrouver un sens. Un sens à ma vie, un sens à mon avenir. Comme ma soif de concevoir n’a pas été étanchée – c’est une histoire que je ne suis pas sûre de te raconter –, je désirais créer quelque chose qui sorte de moi d’une autre manière. 

En revanche, du moment où j’ai repris la plume, je me suis fait une promesse à moi-même : tout ce que je commencerai, je le terminerai. 

Avec cette volonté indélébile, j’ai terminé ma première fanfiction. 

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